Le monde de la fiscalité a été secoué par la contestation par l’Administration Fiscale de plans d’options sur actions octroyés à des dirigeants d’entreprises, généralement des sociétés de taille réduite.
Bon nombre de dirigeants d’entreprises ont en effet reçu, ou vont recevoir des avis de rectification requalifiant en rémunérations les sommes perçues dans le cadre des plans d’option sur actions.
Ce qui risque de susciter de l’étonnement puis de l’indignation, c’est assurément le fait que les opérateurs ayant développé et commercialisé ces produits avaient obtenu des avis positifs du SDA. La légitime confiance en ce service, qui a pour objectif d’assurer une certaine sécurité juridique pour le citoyen, risque d’être ébranlée. Il faut peut-être nuancer le propos, puisque le SDA répond à des questions qui lui sont posées mais n’avalise pas l’ensemble de l’opération qui est mise en place par la suite.
Sans avoir d’avantage de précisions tant sur les contrats d’option mis en place par une société en particulier que sur la motivation de l’Administration, l’objectif du présent article sera de rappeler les conditions et les limites de l’intervention du Service des Décisions Anticipées ( que nous appellerons SDA dans la suite de cet article ), et d’analyser quelques décisions de ce service.
Quand on fait une recherche dans une base de données fiscales sur les termes « plan d’options sur actions » dans la matière « Décisions Anticipées », on ne trouve pas moins de 116 résultats.
Conditions et les limites d’intervention du Services des Décisions Anticipées
Une décision anticipée en matière fiscale est souvent dénommée « ruling »
Le site su SPF Finances définit le ruling comme suit : » un ruling (décision anticipée) peut être défini comme étant une décision par laquelle le SPF Finances détermine comment les lois d’impôts s’appliqueront à une situation ou à une opération bien précise qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. Ce ruling donne au demandeur la sécurité juridique car il lie tous les services du SPF Finances, en d’autres termes, tous les services du SPF Finances doivent le respecter. »
Ces rapports reprennent en introduction un principe similaire, puisqu’ils stipulent que : » conformément aux articles 20 à 28 de la Loi du 24.12.2002 modifiant le régime des sociétés en matière d’impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale, un système généralisé de décision anticipée a été instauré par lequel chaque contribuable a la possibilité d’obtenir du SPF Finances, de manière anticipée, une décision concernant les conséquences fiscales d’une opération ou d’une situation qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal «
Le SDA agit en tant qu’organe du SPF Finances…
Le rapport précise aussi que : « Par décision anticipée, il y a lieu d’entendre l’acte juridique par lequel le Service Public fédéral Finances détermine conformément aux dispositions en vigueur comment la loi s’appliquera à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. »
On constate donc, à la lecture de ces textes, que le Service des Décisions Anticipées n’agit pas en tant qu’organe isolé, mais bien en tant que représentant du SPF Finances. Si ce n’était pas le cas, le SPF Finances aurait écrit » Par décision anticipée, il y a lieu d’entendre l’acte juridique par lequel le Service des Décisions Anticipées détermine conformément aux dispositions en vigueur comment la loi s’appliquera à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal « .
On voit donc mal comment le SPF Finances peut critiquer une décision qu’il a prise lui-même. Dans le dossier qui fait l’actualité, si les contrôles remettent en cause la décision du SDA, ils remettent en cause en fait la décision du SPF Finances placé sous l’autorité du Ministre des Finances.
Le SDA rend une décision et ne donne pas un (simple) avis…
Il est clairement indiqué dans la mission du SDA que celui-ci rend une décision. Une décision s’impose aux parties, si la personne qui l’a prise a le pouvoir de le faire, contrairement à un avis que les parties sont libres ou pas de suivre.
La décision du SDA est toutefois balisée, puisqu’il est clairement prévu qu’elle n’est valable que si le contribuable réalise l’opération conformément à ce qui a été exposé dans la demande sur laquelle le SDA s’est prononcé.
L’objectif de cet article n’est pas d’analyser la position administrative sur le dossier actuel, mais bien de commenter quelques unes de ces décisions du SDA sur la matière.
Commentaires sur les décisions du SDA en matière de stock options…
Le système des plans d’option sur actions a été mis en place par la Loi du 26.03.1999. Cette loi prévoit une taxation forfaitaire sur une base imposable fixé à 18% de la valeur du sous-jacent sur lequel porte l’option ( l’option est un droit d’achat et le sous-jacent est l’action tierce sur laquelle porte cet achat ).
Selon les informations recueillies dans la presse ou sur les réseaux sociaux, il semble que l’Administration requalifie les sommes reçues par le dirigeant en simples rémunérations, taxables à l’impôt des personnes physiques et soumises aux cotisations sociales. S’il y a requalification, c’est sans doute en application de l’article 344 Cir 1992 et probablement parce que l’Administration considère qu’il y a un avantage certain pour le bénéficiaire.
Si l’Administration considère qu’il y a un avantage certain, c’est sans doute parce le le plan d’option est assorti d’options de couverture.
Ce ne sont que des suppositions à défaut de connaître tous les éléments de ce dossier, mais ces suppositions semblent logiques et cohérentes au regard de ce qui est actuellement connu de ce dossier.
Même s’il y a des options de couverture, il peut exister un risque…
Dans une décision anticipée du 05.07.2011, le SPF Finances a toutefois pris une position claire sur ce type d’opération, en considérant qu’il n’y avait aucun avantage certain dans la mesure où l’exercice de l’option était assorti d’une série de conditions et de clauses d’exclusion.
Les éléments qui excluent la présence d’un avantage certains sont nommément repris dans la décision. Ce sont notamment :
- une période de blocage d’un an ;
- l’employeur ne peut se porter acquéreur des options ni une autre société du groupe auquel appartient la société qui offre le plan d’option à l’exception de ce qui est dit au point 26.6 de la décision
- la présence d’une condition résolutoire en cas de licenciement pour faute grave ou en cas de départ volontaire de l’employé ;
- chaque bénéficiaire assume l’entièreté des risques liés à l’acceptation des options et ne sera en aucun cas remboursé de l’impôt supporté suite à l’attribution des options, ni par la société qui a offert les options ni par une société du groupe auquel elle appartient ; le bénéficiaire pourra néanmoins préfinancer exclusivement l’impôt dû, par l’intermédiaire d’options miroirs acquises par le demandeur et/ou ses partenaires (et émises par le bénéficiaire).
La décision stipule toutefois que les sommes octroyées par le plan d’option sur actions pourraient être requalifiées en rémunérations par application de l’article 344, §1er Cir 1992 dans certains cas :
- attribution du plan d’option sur actions en remplacement d’une rémunération
- montants trop importants par rapport à la rémunération et fréquence des opérations
Les conséquences du dossier en cours…
Le dossier en cours laissera des traces dans la confiance légitime que les contribuables doivent avoir envers l’Administration Fiscale.
Il instaurera une défiance vis-à-vis du Service des Décisions Anticipées dont la mission, et la raison d’être, est d’assurer une sécurité juridique pour les citoyens.
Il renforcera en tout cas l’insécurité juridique et mettra à mal, une nouvelle fois, le principe de bonne Administration.