Une problématique importante de nombreuses sociétés est liée à la présence de comptes-courants débiteurs.
Qu’est-ce qu’un compte-courant débiteur en société ?
Certains dirigeants d’entreprises sont tentés de prélever des fonds de leur société sans leur donner la qualification de rémunérations de dirigeants d’entreprises.
D’autres confondent parfois le patrimoine de la société et leur patrimoine privé, en faisant supporter par la société des dépenses privées ( et en s’exposant au risque de confusion entre leur patrimoine propre et leur patrimoine privé de la société, voire à la contestation de l’existence même de la société ).
D’autres, enfin, ont fixé leur rémunération à un montant trop faible pour couvrir leurs besoins propres, et ils sont contraints d’effectuer des retraits complémentaires.
Dès lors, puisque la société leur a fait des avances ou un prêt, ils ont une dette vis-à-vis de celle-ci. Inversement, la société possède une créance sur eux.
La solution peut sembler tentante puisque la personne a des ressources non taxées.
Elle est loin de l’être et en réalité il faut la rejeter pour au moins 4 raisons expliquées ci-après.
1. Les comptes-courant débiteurs en société ont des conséquences négatives au niveau fiscal
Lorsqu’une personne a une dette vis-à-vis d’une société, il est logique qu’elle paye un intérêt.
A l’heure où les taux d’intérêt bancaires sont quasi nuls, l’article 18 Arrêté Royal d’exécution du Code des Impôts sur les revenus ( points 1, c. et d. ) prévoit un taux pouvant atteindre 9,27% par année. Pour le texte complet de l’article 18 AR Cir 1992, cliquer ici.
Ce taux peut être toutefois réduit moyennant la transformation d’une avance sans terme fixe en une avance à terme, mais même dans cette situation, il reste très important.
Cet intérêt est considéré comme un avantage de toute nature ( une rémunération perçue autrement qu’en espèce ), et est soumis à l’impôt des personnes physiques et aux cotisations sociales comme toute rémunération. Son coût, charges sociales comprises, est de l’ordre de 6% du montant ( impôt et cotisations sociales sur 9,27% sur la moyenne du compte-courant calculée sur base mensuelle )
Si la personne paye un intérêt à la société pour éviter un avantage de toute nature, il s’installe un effet boule de neige ( anatocisme ), qui peut faire doubler le montant de la créance de la société en environ 7 années par le jeu des intérêts composés.
2. Les comptes-courant débiteurs ont un impact négatif sur l’octroi de crédits bancaires
La société possède un actif ( une créance sur son gérant et/ou associé ).
Les banques, dans le cadre d’une demande de crédit, ont tendance de considérer que cet actif n’en est pas un, et à réduire la valeur de la société du montant. Il y a une certaine logique derrière cette démarche : si la société avait octroyé des rémunérations plutôt que des avances,
les fonds propres de la société auraient été diminués du montant ( en réalité du montant moins l’impôt puisque la société aurait diminué sa base fiscale ).
Ce n’est pas sans raison que les comptes-courants doivent être mentionnés dans les annexes des comptes annuels : le Législateur a en effet considéré qu’il s’agissait d’une information importante pour les tiers.
3. Les comptes-courant débiteurs peuvent avoir des conséquences désastreuses en cas de faillite de la société
Puisque le dirigeant d’entreprises a une dette vis-à-vis de la société, la première démarche d’un curateur sera de demander le versement de la créance de la société ( et du capital non appelé ) en cas de faillite.
Un liquidateur formulera la même demande.
4. Les comptes-courant débiteurs peuvent, dans des cas extrêmes, faire l’objet de poursuites pénales
Ils peuvent en effet être qualifiés d’abus de bien social et faire l’objet de poursuites par le Ministère Public, si les intérêts des tiers, et notamment des tiers institutionnels, sont menacés. Il s’agit toutefois d’une situation assez rare dans notre pays. Des pays limitrophes, et notamment la France, ont beaucoup plus vite tendance à qualifier d’abus de bien social les avances en compte-courant.
Comment peut-on réduire un compte-courant ?
Le débiteur peut bien évidemment rembourser s’il en a les moyens.
Dans la majorité des cas, il ne dispose pas des ressources financières pour le faire.
Il peut ainsi souscrire à un emprunt et rembourser son compte-courant.
Les banques seront généralement frileuses pour ce genre d’opération, et il faudra peut-être se tourner vers la solution d’un prêt privé.
Cette opération sera souvent intéressante pour le prêteur et l’emprunteur. Pour le prêteur, elle comporte toutefois des risques de non-remboursement.
Le débiteur pourra aussi opérer des distributions de dividendes s’il est associé ( dividendes ordinaires ou distributions de réserves de liquidation ), voire réduire le capital ( lire toutefois cet article ).
Il pourra aussi liquider sa société s’il a constitué des réserves de liquidation. La liquidation n’empêchera toutefois pas le cours des intérêts fictifs sur compte-courant avant sa clôture.
Il pourra aussi vendre un bien privé à la société ( à condition que ce bien soit utile pour la société et générateur de revenus au risque de se voir refuser la déduction des charges liées à ces biens ).
Il pourra enfin augmenter sa rémunération pour rembourser son compte-courant, mais cela a peu d’intérêt puisque c’est justement une insuffisance de rémunérations dans les années antérieures qui a généré le compte-courant.
Bref, parmi toutes les solutions, il convient de chercher la moins mauvaise.
Toute problématique de compte-courant débiteur doit donc s’accompagner d’une réflexion sur les pistes pour le faire disparaître à court ou moyen terme.