L’article 552 du Code Civil organise le droit d’accession puisqu’il stipule que » La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.« .
Le propriétaire d’un terrain est donc, en vertu de ce droit, propriétaire des immeubles qui y sont érigés.
Dès lors, si une personne entend construire sur le terrain d’une autre personne, les deux parties en cause sont tenues d’établir une convention par laquelle le propriétaire du terrain ( le tréfoncier ) renonce à son droit en faveur du constructeur ou propriétaire des bâtiments ( le superficiaire ) pour un temps déterminé.
Il y a donc un contrat de renonciation au droit d’accession.
Il existe bon nombre de situations fiscales dans lesquelles le propriétaire du terrain est une personne physique et le propriétaire des bâtiments est une société. La personne physique et la société sont, dans ce cas, très souvent liées, puisque le propriétaire du terrain est souvent l’associé unique de la société.
Le Code Civil prévoit qu’à l’expiration du droit d’accession, le superficiaire est tenu d’indemniser le tréfoncier pour la valeur des constructions, mais les parties peuvent déroger à cette disposition.
L’idée qui sous-tend cette opération est qu’au terme, la propriété des constructions deviendra la propriété de la personne physique par le mécanisme du droit d’accession ayant fait l’objet du contrat.
L’Administration considère dans de nombreux dossiers que l’extinction du contrat entraîne un avantage de toute nature en faveur du dirigeant à concurrence de la valeur des bâtiments dont le propriétaire du terrain devient propriétaire.
Selon l’Administration, le propriétaire du terrain devient propriétaire des bâtiments en raison de sa qualité d’associé ou de dirigeant d’entreprises, et la valeur des bâtiments constitue un avantage de toute nature dans son chef.
L’Administration fait simplement application de l’article 32 du Code des Impôts sur les Revenus qui stipule que :
« Les rémunérations des dirigeants d’entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées à une personne physique:
1° qui exerce un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues;
2° qui exerce au sein de la société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière, d’ordre commercial, financier ou technique, en dehors d’un contrat de travail.
Elles comprennent notamment:
1° les tantièmes, jetons de présence, émoluments et toutes autres sommes fixes ou variables allouées par des sociétés, autres que des dividendes ou des remboursements de frais propres à la société;
2° les avantages, indemnités et rémunérations d’une nature analogue à celles qui sont visées à l’article 31, alinéa 2, 2° à 5°;
3° par dérogation à l’article 7, le loyer et les avantages locatifs d’un bien immobilier bâti donné en location par les personnes visées à l’alinéa 1er, 1°, à la société dans laquelle elles exercent un mandat ou des fonctions analogues, dans la mesure où ils excèdent les cinq tiers du revenu cadastral revalorisé en fonction du coefficient visé à l’article 13. De ces rémunérations ne sont pas déduits les frais relatifs au bien immobilier donné en location. »
L’Administration fait parfois application de l’article 219 Cir 1992 et impose cet avantage de toute nature à la cotisation distincte au taux de 100%, puisque la société n’a pas établi de fiche de rémunération.
On rappellera que depuis le 01.01.2020, cette cotisation distincte n’est plus déductible.
Lorsque l’Administration ne parvient pas à établir un lien entre l’avantage de toute nature et le statut de dirigeant d’entreprises, elle invoque souvent la théorie des avantages normaux et bénévoles par application de l’article 26 Cir 1992 libellé comme suit :
« Sans préjudice de l’application de l’article 49 et sous réserve des dispositions de l’article 54, lorsqu’une entreprise établie en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéfices propres, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires.«
L’Administration considère alors que la société a accordé un avantage anormal et bénévole et impose la société sur la valeur de cet avantage.
S’il y a un avantage, à quel moment est-il consenti ?
On a longtemps considéré que l’avantage était octroyé au terme du contrat de renonciation à accession.
C’était somme toute assez logique, mais d’un point de vue fiscal, était-ce tout à fait correct ?
L’arrêt de la Cour d’Appel de Bruxelles du 23.01.2019 ( rôle 2012/AR/2283 ) a quelque peu bouleversé cette notion en considérant que c’était dès la signature du contrat, et pas au terme de ce contrat, que l’avantage éventuel était reçu.
Que conclure de cette jurisprudence ?
Cet arrêt est intéressant pour les contribuables qui ont déjà constitué un droit de superficie depuis de nombreuses années puisque ces exercices sont forclos et que l’Administration ne sera plus en mesure d’imposer l’avantage de toute nature.
Toutefois, cette disposition ne constitue pas une bonne nouvelle pour les entreprises qui viennent de signer un tel contrat ou qui envisagent de le faire.
En effet, l’Administration a un intérêt évident à taxer ces constructions le plus tôt possible ou à décourager les contribuables à y recourir.
Elle pourra tirer argument dans ce jugement pour réclamer l’impôt dû lors de la signature du contrat.
De leur côté, les contribuables vont sans doute réfléchir à deux fois avant de signer de telles conventions.
La renonciation à accession risque donc d’être confinée à l’avenir au promoteur immobilier qui érige des constructions sur le terrain d’un tiers en vue de les vendre.