Le droit à l’erreur en matière fiscale en Belgique : une évolution attendue

Introduction

Face à la complexité croissante des obligations déclaratives, le législateur s’efforce d’instaurer une relation plus équilibrée entre contribuables et administration. C’est dans ce cadre qu’est apparue la notion de droit à l’erreur en matière fiscale.
Cette volonté politique se reflète désormais dans les projets législatifs en cours et soulève une question centrale : quelles seront les implications concrètes, notamment sur les mécanismes de déduction prévus à l’article 206 du CIR 1992 ?

1. Qu’est-ce que le droit à l’erreur en matière fiscale ?

Le droit à l’erreur désigne la possibilité pour un contribuable de rectifier spontanément une déclaration fiscale erronée, sans encourir automatiquement une amende ni un accroissement d’impôt, pour autant qu’il agisse de bonne foi. Il s’agit d’une avancée dans l’optique d’une fiscalité plus pédagogique que répressive.

En pratique, cela signifie :

  • correction possible sans sanction si l’administration n’a pas encore entamé de contrôle ;

  • nécessité que l’erreur ne soit ni répétée ni frauduleuse ;

  • encouragement à la transparence volontaire.

2. Position actuelle du Ministre des Finances

Le 28 mai 2025, le ministre des Finances a présenté un projet de loi-programme à la Chambre, introduisant une réforme significative. Cette dernière prévoit notamment la suppression de l’accroissement d’impôt de 10 % en cas de première infraction commise de bonne foi.

Ce changement marque un tournant majeur :

  • Il inverse la logique actuelle, en présumant la bonne foi du contribuable, sauf preuve contraire ;

  • Il s’inscrit dans une volonté de renforcer la confiance entre contribuables et administration ;

  • Il répond aux revendications formulées par des organismes qui plaidaient pour une reconnaissance formelle du droit à l’erreur.

L’entrée en vigueur de cette mesure est prévue pour le 1er juillet 2025, sous réserve de l’adoption définitive du texte.

3. Incidence potentielle sur l’article 206 CIR 1992

Lien indirect avec l’article 206/3, §1er CIR 92

Bien que le droit à l’erreur ne modifie pas directement l’article 206 CIR 1992, il peut en atténuer les effets. En effet, l’article 206/3, §1er (ancien article 207, al. 7) prévoit que certaines déductions, telles que les pertes professionnelles reportées, ne peuvent pas être imputées sur les résultats rectifiés lorsqu’un accroissement d’impôt d’au moins 10 % est appliqué.

Par conséquent :

  • même une erreur involontaire peut, en cas de sanction, empêcher l’imputation des pertes ;
  • la suppression de l’accroissement de 10 % pour les erreurs de bonne foi permettrait de conserver cette faculté d’imputation, en cas de correction spontanée.

Sécurité juridique accrue

La réforme en cours renforcerait ainsi :

  • la sécurité juridique des entreprises ;

  • le caractère prévisible des conséquences fiscales d’une régularisation volontaire ;

  • la distinction claire entre l’erreur humaine et la fraude fiscale.

4. Bonnes pratiques pour les contribuables

Afin de bénéficier pleinement du droit à l’erreur, les contribuables doivent :

  • agir spontanément, avant tout contrôle ;

  • être en mesure de démontrer leur bonne foi ;

  • documenter la correction et conserver les preuves justificatives ;

Conclusion

Le droit à l’erreur en matière fiscale, longtemps revendiqué, semble désormais en voie de reconnaissance législative. Si la réforme est adoptée, elle permettra non seulement d’éviter des sanctions injustes, mais aussi de préserver des mécanismes fiscaux importants tels que l’imputation des pertes antérieures (article 206 CIR 92). Une évolution salutaire pour une fiscalité plus juste, plus humaine et mieux comprise.