Compte-courant débiteur : transformer une avance sans terme en une avance à terme…

Les comptes-courant débiteurs ( créances de la société sur son administrateur et/ou associé ) posent un vrai problème dans les sociétés. Nous nous sommes déjà exprimés en 2017 sur le sujet dans cet article ( voir aussi cet article concernant la problématique du compte-courant dans une société en liquidation ) . Nous persistons à considérer que des tels comptes-courants sont à proscrire pour le bien des entreprises et de leurs dirigeants.

Chez nos voisins français, un compte-courant débiteur n’est rien d’autre qu’un abus de bien social. C’est utiliser un actif de la société à des fins étrangères à l’objet social de la société.

Des intérêts à un taux…dissuasif…

Dès qu’un compte-courant existe dans les comptes d’une société, la problématique des intérêts se pose inévitablement. Si la société a une créance sur une personne, il est normal qu’elle reçoive un intérêt sur cette créance. Ce devrait être la règle. Toutefois, certains dirigeants ne payent aucun d’intérêt à la société à laquelle ils ont emprunté des fonds.

Le dirigeant bénéficie alors d’un avantage à concurrence des intérêts qu’il ne doit pas payer. Cet avantage constitue une rémunération payée en nature. Cette rémunération subit l’impôt et aux cotisations sociales.

Si l’avance est octroyée sans terme réel, le taux d’intérêt est de 10,20% pour l’année 2020. Comparé aux taux bancaires actuels, c’est un taux dissuasif selon les propres termes de l’Administration.

Malheureusement, ce taux d’intérêt excessif ne dissuade pas tout le monde. Ceux qui se retrouvent avec une dette vis-à-vis de leur société n’ont pas toujours les moyens de la rembourser.

Les intérêts se calculent année après année, entrainant des impôts et des cotisations sociales importantes.

Choisir la moins mauvaise solution…..

Si, par contre, c’est la société qui perçoit des intérêts, ce sera elle qui payera l’impôt ( au taux de 25% ) et aucune cotisation sociale ne sera due. Cela peut sembler tentant d’opérer de la sorte, mais cette technique induit un effet
 » boule de neige  » ( anatocisme ) qui provoque un emballement du solde de l’avance.

Ainsi, par exemple, un taux de 10% sur un montant de 1.000 Eur donné 1.100 Eur l’année 1, 1.210 Eur l’année 2, 1.331 Eur l’année 3, 1.464 Eur l’année 4, 1.610 Eur l’année 5, 1.771 Eur l’année 6 et 1.949 Eur l’année 7.

Bref, la somme double quasi tous les 7 ans.

Rembourser le compte-courant….

Il est donc urgent de trouver une solution pour réduire les intérêts et faire disparaître le compte-courant débiteur.

Le moyen le plus simple, mais sans doute le moins courant, est de rembourser les montants à la société : c’est sans doute plus facile à dire qu’à faire.

Le dirigeant peut aussi s’octroyer des rémunérations sans les prélever, mais il conviendra de payer l’impôt et les cotisations sociales.

L’actionnaire peut recevoir des dividendes nets après retenue de précompte et ne pas les prélever non plus ( ou les prélever mais les rembourser immédiatement ).

Le débiteur peut enfin vendre un bien privé à la société. Encore faut-il que ce bien soit utile à la société et que le prix soit correct.

Revenons sur les dividendes et plus précisément les réserves de liquidation….

Mis à part le cas particulier des dividendes VVPRBis ( art. 269, §2 Cir 1992 ), toute société qui accumule chaque année des bénéfices qu’elle met en réserve a intérêt à constituer des réserves de liquidation pour échapper au précompte de 30% ( le précompte réel sera de 13,82% ).

Transformer l’avance sans terme en une avance à terme….

L’avance sans terme pourrait ainsi se transformer en une avance à terme suivant le rythme des distributions des réserves de liquidation.

Le taux d’intérêt des avances sans terme ( 10,20% pour 2020 ) se substitue ainsi au taux d’intérêt des avances à terme égal à i = (p x 24 x n)/(n+1) où : i = taux de chargement annuel réel ; p = taux de chargement mensuel ; n = délai de remboursement en mois

Sachant que le taux de chargement mensuel de 2020 est de 0,12, cette formule donne, pour une avance de 60 mois, un taux annuel de i = 0,12 x 24 x 60 / 61, soit 2,83 %.

Il faut toutefois :

  • établir une convention
  • lui donner une date certaine
  • en respecter les termes

Dans un arrêt du 01.02.2021( rôle 19/4837/A ), le Tribunal de Première Instance d’Anvers a donné tort à un contribuable qui prétendait avoir conclu une convention à terme, sans toutefois présenter un quelconque document ou la preuve d’un versement périodique.
Ce jugement a confirmé la taxation des intérêts fictifs au taux des avances sans terme.

Conclusions….

Le lecteur aura bien compris que les comptes-courants sont à proscrire, mais que s’ils existent, des mécanismes financiers destinés à en réduire le montant de manière drastique doivent être mis en place.

Au l’aube d’une crise économique annoncée, les comptes-courant débiteurs sont autant de bombes à retardement qui risquent de causer des dégâts collatéraux importants