Décision TVA n° ET 119.650 dd. 20.10.2011
Décision TVA n° ET 119.650 dd. 20.10.2011
Administration générale de la FISCALITE
Services centraux TVA – Direction I/8
Modification légale au 1erjanvier 2011
Articles 45, §1erquinquies, et 19, §1er, du Code de la TVA
L’article 45, §1erquinquies, du Code de la TVA, inséré par l’article 12 de loi du 29 décembre 2010 (M.B. 31.12.2010, 4èmeédition), constitue la transposition en droit belge de l’article 168bis de la directive 2006/112/CE.
Il est libellé comme suit : « En ce qui concerne les biens immeubles par nature et les autres biens d’investissement et services sujets à révision en vertu de l’article 48, §2 qui font partie du patrimoine de l’entreprise de l’assujetti et qui sont utilisés à la fois pour les besoins de son activité économique et pour ses besoins privés ou pour les besoins privés de son personnel ou, plus généralement à des fins étrangères à son activité économique, l’assujetti ne peut déduire la taxe grevant les biens et les services afférents à ces biens qu’à concurrence de leur utilisation pour les besoins de son activité économique ».
L’article 19, § 1er, du Code de la TVA, qui a été adapté conformément à l’article 6 de la loi du 29 décembre 2010, précitée, prévoit quant à lui qu’est « assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux, l’utilisation d’un bien autre qu’un bien visé à l’article 45, § 1erquinquies affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à l’activité économique de l’assujetti, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe ».
Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2011.
1. Champ d’application du nouvel article 45, §1erquinquies, du Code de la TVA
Sont visés par la nouvelle disposition :
- les biens immeubles par nature, les autres biens d’investissement et les services sujets à révision en vertu de l’article 48, § 2 ;
- qui font partie du patrimoine de l’entreprise de l’assujetti ;
- et qui sont utilisés à la fois pour les besoins de son activité économique et pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son activité économique.
1.1 Biens et services visés
La limitation de déduction visée à l’article 45, §1erquinquies, du Code ne concerne donc que les biens et services visés aux articles 6, alinéa 1er, et 7, alinéa 1er, de l’arrêté royal n° 3 du 10 décembre 1969, relatifs à la révision des déductions pour les taxes ayant grevé les biens d’investissement.
Pour une définition de la notion de biens d’investissement, il est en outre renvoyé aux points 386 à 391 du Manuel de la TVA, ainsi qu’au point 51 de la circulaire n° AAF 3/2007 du 15 février 2007.
1.2 Biens et services non visés
Il convient de souligner que, dès lors qu’ils ne constituent pas des biens d’investissement dans le chef du preneur (v. le point 391 du Manuel de la TVA), les biens pris en location (notamment en leasing) ne sont pas visés par l’article 45, §1erquinquies, du Code.
Les taxes qui ont grevé les biens et les services relatifs à des biens d’investissement (réparation, entretien, carburant, etc.) ne sont pas non plus visées.
La déduction de la TVA en amont s’opère alors conformément à l’article 45, §1er, du Code et, le cas échéant, l’article 45, §2, du Code de la TVA (voir également, point 2.2.).
1.3. Affectation du bien d’investissement
Pour que l’article 45, §1erquinquies, du Code soit applicable, il faut que le bien d’investissement fasse partie du patrimoine de l’entreprise de l’assujetti.
A cet égard, il est de doctrine administrative constante que les biens d’investissement acquis par une personne morale ne peuvent constituer que des biens affectés à l’entreprise, une personne morale n’ayant pas de patrimoine privé (voir point 3.7. de la Circulaire n° AFER 5/2005 (E.T.108.691) dd. 31.01.2005).
Par contre, un assujetti personne physique a le choix d’intégrer totalement ou partiellement un bien d’investissement à son activité économique ou même de ne pas l’y intégrer (v. notamment l’affaire C-415/98 du 08.03.2001, Laszlo Bakcsi contre Finanzamt Fürstenfeldbruck). Son intention d’affecter un bien d’investissement au patrimoine de son entreprise implique que ce bien soit repris dans la comptabilité de l’entreprise (voir point 3.2. de la circulaire n° AFER 5/2005, précitée).
En cas d’affectation partielle au patrimoine de l’entreprise par un tel assujetti personne physique, il y a lieu de considérer que seule entre dans le champ d’application de la TVA, la partie du bien affectée au patrimoine de l’entreprise. Cela signifie, d’une part, que toute déduction ou révision est exclue relativement à la partie non affectée, et, d’autre part, qu’en cas de (re)vente du bien, la partie du prix y relative ne doit, en principe, pas être comprise dans la base d’imposition à la taxe (v. point 5 ci-après).
1.4. Utilisations visées
L’article 45, §1erquinquies, du Code prévoit que l’assujetti ne peut déduire la taxe grevant les biens et les services visés dans la mesure où il les utilise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou, plus généralement à des fins étrangères à son activité économique.
Pour rappel, l’usage privé d’un moyen de transport concerne aussi les déplacements domicile-lieu de travail de l’assujetti ou de son personnel.
En ce qui concerne l’utilisation du bien d’investissement ou du service affecté au patrimoine de l’entreprise, elle doit donc être initialement mixte, c’est-à-dire que le bien d’investissement ou service doit dès le départ être utilisé tant à des fins professionnelles qu’à d’autres fins (utilisation privée, pour les besoins du personnel, etc.).
A l’inverse, si la partie du bien d’investissement affectée au patrimoine de l’entreprise est uniquement utilisée dès le départ à des fins strictement professionnelles, l’article 45, §1erquinquies, du Code ne trouve pas à s’appliquer. La déduction doit alors être opérée conformément aux autres règles prévues en matière de déduction (article 45, §1er, et le cas échéant, article 45, §2, du Code) et, en cas de modification ultérieure des conditions d’utilisation, la régularisation doit être effectuée par le biais de l’article 19, §1er, du Code.
1.5 Conventions visées
Les conventions visées sont uniquement celles où les biens d’investissement sont mis gratuitement à la disposition des utilisateurs.
Lorsque l’utilisateur est tenu au paiement d’un loyer, il s’agit d’une mise à disposition à titre onéreux. La déduction de la TVA en amont s’opère alors conformément à l’article 45, §1er, du Code et, le cas échéant, l’article 45, §2, du Code.
2. Champ d’application de l’article 19, §1er, nouveau du Code de la TVA
2.1. Principes
L’article 19, §1er, du Code vise à présent tant les biens meubles que les biens immeubles (ce qui n’était pas le cas auparavant) mais seulement pour autant qu’ils ne soient pas visés à l’article 45, §1erquinquies, du Code c’est-à-dire lorsqu’il s’agit d’un bien d’investissement qui n’a pas subi la limitation de déduction visée à l’article 45, §1erquinquies, du Code, soit parce que le fait générateur de la TVA grevant ce bien d’investissement est intervenu après l’année 2010 et que le bien d’investissement a uniquement été initialement utilisé à des fins professionnelles, soit parce que le fait générateur de la TVA grevant ce bien d’investissement est intervenu avant l’année 2011.
L’article 19, § 1er, nouveau, du Code ne peut donc en principe s’appliquer à l’égard des biens qui ont fait l’objet d’une limitation du droit à déduction conformément à l’article 45, § 1erquinquies, du Code, seules les règles de révision des déductions pouvant alors jouer.
A l’inverse, pour les biens qui n’ont pas subi la limitation de déduction prévue par l’article 45, §1erquinquies, du Code, il y a lieu, comme par le passé, de faire application de l’article 19, §1er, du Code et de taxer l’utilisation à des fins étrangères à l’activité économique.
2.2. Biens pris en leasing
Dans un souci de neutralité fiscale, l’application de règles similaires à celles prévues pour les biens d’investissement a été acceptée par le passé. C’est ainsi qu’il n’était pas critiqué que les utilisations de tels biens pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement à des fins étrangères à l’activité économique de l’assujetti, ne fassent pas l’objet d’une limitation du droit à déduction à due concurrence mais bien par la taxation de l’utilisation sur la base de l’article 19, § 1er, du Code.
Cette tolérance ne se justifie plus, de sorte que, depuis le 1erjanvier 2011, il convient de faire uniquement application des règles établies en matière de déduction (article 45, §1er, et le cas échéant, l’article 45, §2, du Code).
2.3. Véhicules visés à l’article 45, § 2, du Code
Pour les véhicules visés à l’article 45, § 2, du Code qui n’ont pas subi la limitation prévue par l’article 45, §1erquinquies (car il n’y a pas eu initialement d’utilisation mixte ou que le fait générateur est intervenu avant le 1erjanvier 2011), l’article 19, § 1er, du Code ne trouve désormais plus à s’appliquer, compte tenu des principes de neutralité fiscale, que lorsque l’utilisation à des fins étrangères dépasse 50 p.c., et seulement à concurrence de ce dépassement.
Les règles applicables aux véhicules en question sont détaillées plus amplement au point 4 ci-après.
3. Mise à disposition d’un bien d’investissement à un gérant, administrateur, associé ou membre du personnel
La mise à disposition, à titre onéreux, d’un bien d’investissement affecté au patrimoine de l’entreprise est constitutive d’une prestation de location visée à l’article 18, §1er, alinéa 2, 4°, du Code et est passible de la taxe, sauf en cas de location immobilière (opération exemptée conformément à l’article 44, §3, 2°, du Code). A toutes fins utiles, il est rappelé que, dans certains cas, la base d’imposition est constituée par la valeur normale (v. l’article 33 du Code et la décision n° E.T.112.791/2 du 28.09.2009).
Les règles de déduction des taxes en amont sont alors soumises aux règles normales prévues en la matière.
Par contre, une mise à disposition gratuite d’un bien d’investissement affecté au patrimoine de l’entreprise et utilisé tant aux fins de son activité économique qu’aux fins privées du bénéficiaire, est visée par l’article 45, §1erquinquies, du Code.
Pour les véhicules visés à l’article 45, §2, du Code, il est renvoyé au point 4 ci-après.
En ce qui concerne les biens immeubles, il n’y a plus lieu de retenir le point de vue développé au point 3.7. de la circulaire n° AFER 5/2005, précitée. Pour les biens immeubles par nature dont le fait générateur est intervenu après l’année 2010, il y a lieu de faire application de ce qui suit :
- la limitation de déduction visée à l’article 45, §1erquinquies, du Code doit être appliquée (et l’article 19, §1, du Code ne peut plus jouer) quand un assujetti (personne physique ou morale) met un bien immeuble à disposition d’un gérant, administrateur, associé ou membre du personnel, sans que le bénéficiaire ne soit tenu au paiement d’un loyer ;
- la limitation de déduction visée à l’article 45, §1erquinquies, du Code ne doit pas être appliquée quand un assujetti (personne physique ou morale) met un bien immeuble à disposition d’un gérant, administrateur, associé ou membre du personnel contre paiement d’un loyer et que ledit bien immeuble a été de ce fait initialement et intégralement utilisé aux fins de l’activité économique de l’assujetti. S’agissant d’une mise à disposition exemptée conformément à l’article 44, §3, 2°, du Code, la déduction de la TVA en amont est alors exclue, conformément à l’article 45, §1er, du Code.
4. Mise à disposition d’un véhicule visé à l’article 45, §2, du Code de la TVA à un gérant, administrateur, associé ou membre du personnel
4.1. Généralités
Comme pour les autres biens, l’article 45, §1erquinquies, du Code ne vise pas la mise à disposition à titre onéreux (contre paiement d’un loyer) d’un véhicule visé par l’article 45, §2, du Code qui limite la déduction de la taxe en amont.
Quand un assujetti met gratuitement un véhicule à la disposition d’un membre de son personnel ou d’un gérant ou associé, il y a lieu de distinguer selon que l’assujetti a acheté ou pris en location le véhicule.
Ce n’est que dans la mesure où le véhicule est acheté et qu’il est affecté au patrimoine de l’entreprise de l’assujetti que l’article 45, §1erquinquies, du Code trouve à s’appliquer (voir le point 2 ci-dessus). L’article 19, §1er, du Code n’est alors pas d’application.
Compte tenu des principes de neutralité fiscale, et s’agissant d’un véhicule visé à l’article 45, §2, du Code, qui n’a pas subi la limitation de déduction prévue par l’article 45, §1erquinquies (car il n’y a pas eu initialement d’utilisation mixte ou parce que le fait générateur est intervenu avant le 1erjanvier 2011), l’article 19, §1erne peut seulement trouver à s’appliquer que lorsque l’utilisation à d’autres fins que celles de l’activité économique dépasse 50 p.c., et seulement à concurrence de ce dépassement.
4.2. Le véhicule est acquis par l’assujetti
4.2.1. Principes
A. Lors de l’achat du bien d’investissement, il y a une utilisation mixte
L’assujetti qui achète un véhicule devra dès le départ tenir compte de l’utilisation qui en sera faite à d’autres fins que celles de l’activité économique.
Par conséquent, lorsqu’il met un véhicule gratuitement à la disposition d’un membre de son personnel, et ce, autant à des fins professionnelles que privées, la TVA grevant l’achat du véhicule doit être limitée conformément à l’article 45, §1erquinquies, du Code et, le cas échéant, l’article 45, §2, du Code (voir point 1.3. ci-dessus).
La répartition entre l’utilisation privée et professionnelle doit en principe être déterminée sur la base d’une estimation des kilomètres parcourus. Cette estimation s’effectue sous le contrôle de l’administration et doit être appuyée par des éléments probants. L’assujetti doit le cas échéant corriger la déduction initiale au plus tard dans la déclaration TVA à déposer pour le 20 avril de l’année qui suit celle de l’achat du bien d’investissement (article 8, 1°, de l’arrêté royal n°3 du 10 décembre 1969).
L’application du nouvel article 45, 1erquinquies, du Code peut poser des problèmes relativement aux véhicules visés par l’article 45, §2, du Code.
A cet égard, lorsque l’utilisation professionnelle d’un véhicule visé par l’article 45, §2, du Code, n’excède pas 50 p.c., la limitation de déduction prévue par cette disposition n’est pas applicable. Le droit à déduction est ainsi initialement limité jusqu’à concurrence de l’utilisation professionnelle, conformément à l’article 45, §1erquinquies, du Code.
C’est par exemple le cas lorsqu’un assujetti a acheté une voiture en 2011, l’a affectée au patrimoine de son entreprise et l’utilise pour seulement 40 p.c. aux fins de son activité économique. Le droit à déduction de la TVA grevant l’achat de cette voiture sera limité à 40 p.c., conformément à l’